Yannick Passas, l’œnologue fou au service de TaCave – Partie 3

• 1 octobre 2015

Jamais deux sans trois

Troisième et dernier chapitre de notre série consacrée aux trois jeunes entrepreneurs qui ont réussi un pari fou : ouvrir un bistrot communautaire grâce au soutien de 800 « membres fondateurs ». Depuis le début du printemps, TaCave ne désemplit pas. La clé du succès ? L’art de prendre l’apéro bien sûr !

Et qui dit apéro dit forcément… pinard. Ça tombe bien car aujourd’hui l’équipe Rosti vous présente LE spécialiste des vins, celui qui gère la carte viticole de TaCave. Œnologue passionné qui cherche sans cesse à se réinventer, Yannick Passas s’occupe de dénicher une gamme toujours réactualisée de pinards des quatre coins de la Suisse mais aussi des 5 coins du monde.

C’est dans sa cave (la sienne, pas celle des 800 bistrophiles), à Reverolle dans le canton de Vaud, que nous avons taillé le bout de gras avec Yannick et bu ses paroles d’expert – comme on boit ses Chasselas. Car le bougre ne fait pas les choses comme tout le monde. Dans son domaine, il ose, il expérimente et prend des risques pour produire chaque année des vins authentiques qui expriment leur terroir. Il nous raconte son parcours, son travail, sa philosophie.

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Comme un vigneron au milieu de ses vignes

« Depuis que j’ai vu ces montagnes et ces vignobles, je me suis dit “c’est énorme ! “ ». C’est de la Suisse dont parle Yannick, bien sûr. Depuis sa France natale, le jeune amoureux des pinards a quitté les bancs du gymnase tricolore pour rejoindre ceux de l’école de viticulture et d’œnologie de Changins. Et il s’y est tout de suite senti comme un vigneron au milieu des ses vignes. Car la Suisse, il la connaît depuis tout petit.

Durant sa formation, Yannick travaille une année dans un vignoble vaudois. La passion du métier ? « Je l’ai chopée en bossant dans le milieu. Mais j’ai vite compris que je devais me mettre à mon compte » explique-t-il. Et comme le Suisse d’adoption – oui, on a le droit de le dire – est un homme d’action, il s’est lancé.

« J’ai essayé de reprendre un domaine dans le Gros de Vaud mais ça n’a pas fonctionné. C’est difficile d’y arriver quand on est jeune » se souvient-il. C’est alors que le propriétaire du vignoble pour lequel Yannick a travaillé lui propose de reprendre son exploitation. Formé et coaché par ce dernier à ses débuts, Yannick s’associe ensuite avec 3 potes et fonde la société La Maison du Moulin en 2011. Ça y est, Yannick est indépendant. Mais qui dit indépendance dit travail, travail et… travail.

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Une nouvelle vision du vin suisse

« Dans le vin, il faut oser ». Cet adage, Yannick ne le prononce pas à la légère. Chaque année, l’œnologue tente de nouvelles choses et prend des risques. « Si t’arrives à sortir toujours le même vin au même goût, c’est clair que les clients sont contents. Mais le but est de faire du vin authentique. Donc un vin qui, par définition, n’est pas toujours le même puisque chaque récolte est différente. La vigne nous donne chaque année un fruit qui reflète la qualité de la terre. »

C’est donc d’abord sur les sols que Yannick travaille pour maitriser ses vignes. Fini les pesticides et les produits chimiques qui stérilisent la terre. « Les grands vignobles bien propres, c’est bien joli mais c’est un vrai désert. Y’a rien qui vit là-dedans. Si tu veux que la vigne soit saine, il faut qu’elle ne soit pas toute seule » explique le viticulteur.

La solution ? S’adapter à chaque type de sol en fonction de ses caractéristiques (présence d’eau, de calcaire, d’argile, de sable, etc), accueillir les plantes, les insectes et les animaux – la vie – comme des acteurs qui nourrissent les sols et travailler en fonction de la position de la lune. Pourquoi ne pas aussi réfléchir au compagnonnage de plantes et faire pousser, par exemple, des tomates, des fleurs ou des plantes aromatiques entre les ceps ?

« Aujourd’hui, on a de la peine à croire à tout ça – on passe d’ailleurs souvent pour des fous – alors qu’il s’agit de techniques qui ont été utilisées pendant des siècles ! Pour produire un bon vin, authentique et naturel, le sol doit rester vivant. Il faut travailler chaque vigne différemment chaque année pour coller au terroir et au millésime. »

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Des vins gastronomiques

Soyons honnêtes. En Suisse, nous avons de bons vins, de très bons vins même. Mais on a plutôt l’habitude de faire péter la chopine suisse pour l’apéro et d’ouvrir un « grand vin » français, italien voire espagnol pour accompagner un menu gastronomique. Et c’est bien dommage. Car si les vins helvétiques ne sont pas réputés à l’international, les terroirs suisses offrent pourtant une variété et une qualité incontestables.

Alors pourquoi les vins suisses ne sont pas connus à l’étranger et ne font pas partie de grands vins gastronomiques ? La faute à la promotion ? La faute à nos habitudes ? On peut se poser la question. « Ce n’est pas seulement le prix qui fait un grand vin ; c’est le goût » rappelle Yannick qui constate que le milieu de la haute gastronomie représente actuellement 80% de son marché. Même avec des bouteilles vendues entre 11 CHF et 54 CHF (pour un grand cru).

Participer, à la hauteur de ses moyens, à redonner une nouvelle vision du vin suisse et à redorer son image et tenter de faire prendre conscience de la qualité du terroir helvétique à l’échelle nationale et internationale, tels sont les objectifs auxquels contribue Yannick. « Les terroirs suisses proposent une grande richesse mais manquent encore de reconnaissance et de valorisation ».

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A TaCave, on goûte et on découvre

« Il n’y a pas que des vins suisses dans le bar. Le but a toujours été d’avoir une grande diversité de vins de tous pays pour permettre aux gens de découvrir et de comparer. Chaque deux semaines, nous proposons des zooms sur des producteurs, des régions, des pays, des cépages. J’aime présenter une carte qui bouge. Nous vendons de la diversité. »

Yannick fait donc parfaitement la part des choses. L’objectif de TaCave n’a jamais été de vendre ses vins. « TaCave, c’est d’abord pour le fun. C’est pas de la grande distribution. C’est un délire de trois gamins qui voulaient construire une cabane en bois dans la forêt. Et on a créé un bar. Pour passer de bons moments, se marrer et bien sûr… picoler ! » sourit Yannick.

Abreuver la Suisse ? Pas de doute, Yannick et ses acolytes y participent largement. Et pour ce qui est de la faire bouger ? En adoptant une manière de travailler qui protège le terroir suisse et valorise le lieu de production des vins, en essayant d’innover et de sortir des carcans de la viticulture « moderne » et en ramant comme un barjot pour monter un bar communautaire, Yannick contribue également à faire évoluer les mentalités, à bousculer les idées reçues et à faire avancer la Suisse.

Ça vous a donné soif ? N’hésitez pas à venir prendre l’apéro et déguster de bons pinards à TaCave. Vous y croiserez sûrement Guillaume, Elâ et Yannick.

Damien Gaillet


Chez Rostigraben, nous parlons d’histoires qui font avancer la Suisse.

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