Jonathan, joli parcours d’un battant qui court le monde

• 19 mars 2015

Un battant dans l’âme

Aujourd’hui, stagiaire en finance à Wall Street, on pourrait penser que Jonathan Joly a suivi le parcours classique du fils à papa fraîchement diplômé de HEC qui n’a d’autres idées en tête que de faire des sous, des sous, et encore des sous. Mais, s’il sort bel est bien de HEC Lausanne, le Vaudois de 25 ans est avant tout un battant qui s’est toujours démené pour arriver à ses fins. Récit d’un parcours pas tout à fait habituel…

Ayant grandi dans la campagne du Nord vaudois, Jonathan obtient d’abord un diplôme de culture générale, option paramédicale, au gymnase d’Yverdon. 18 ans, la tête pleine, il décide de prendre soin de son corps et s’engage… dans l’armée. Allé hop ! Une deux, une deux, une deux…

Après 11 mois qui lui semblent « une éternité », le jeune sergent enchaîne les petits boulots temporaires afin de mettre un peu d’argent de côté pour explorer de nouveaux horizons.

Du Léman à New York en passant par partout

Un premier voyage de quatre mois le long de la côte Est australienne et le virus du globe-trotter l’atteint. Un mois en Inde, deux autres entre l’Autriche et l’ex-Yougoslavie, encore un petit en Indonésie, deux de plus en Asie du Sud-Est et encore bien quelques semaines entre l’Égypte, le Maroc, la République Dominicaine et l’Ukraine… pour avoir chopé le virus, Jonathan n’est pas prêt de trouver la voie de la rémission. Ne souriez pas, il est condamné…

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Tous ces voyages ont fait de Jonathan, qui avait déjà la bougeotte depuis longtemps, un vrai pro de la marche. En 2010, il décide donc de retourner à l’armée pour bosser ses mollets. Et ceux-ci le propulsent lieutenant grenadiers de chars ! Au taquet ! Et en plus, durant ses classes d’officier, Jonathan n’a pas investi dans les sorties « fac » – comme quelques-uns de ses compatriotes – mais a utilisé sa solde pour se payer une école de préparation à l’entrée en HEC. Alors là… chapeau bas Monsieur Joly.

« C’était risqué mais malgré le fort taux d’échec, et à coup de longues et interminables soirées à la biblio, j’ai passé successivement mes examens d’entrée puis mes deux premières années ». De plus, Jonathan travaille tous les weekends pour financer ses études jusqu’à ce qu’il obtienne une bourse d’études pour sa dernière année. L’occasion de respirer un peu ? Que nenni ! Plutôt l’occasion de fonder une association avec des potes de l’uni et de participer à l’organisation d’un Gala de charité pour récolter quelques dizaines de milliers de francs destinées à trois associations caritatives. Vous pensez toujours que les étudiant-e-s de HEC ne pensent qu’à leur propre profit ?

L’été passé, notre Suisse du jour décroche un stage en “Asset Management“ dans une banque genevoise avant d’entamer sa dernière année de bachelor à St-Gall. Et comme Jonathan est un battant et qu’il serait trop facile de vivre uniquement en allemand, il se débrouille pour faire la quasi totalité de ses cours sur le premier semestre afin de pouvoir partir faire un stage de 4 mois à New York.

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Wall Street : un formidable écosystème ultra-compétitif

C’est donc dans les rues de New York, sur lesquelles s’échangent quotidiennement les trillions de dollars en obligations, actions, produits dérivés et matières premières en tout genre, que nous retrouvons Jonathan qui travaille actuellement pour l’un des leaders mondiaux du négoce de matières premières.

« J’apprends ce que l’on appelle le “trading physique“, par opposition au trading spéculatif. Nous achetons aux producteurs de la matière (bien réelle) que nous expédions et livrons pour répondre à une demande (bien réelle elle aussi) sur de grandes quantités et à une échelle globale. Le trading physique est un métier polyvalent qui nécessite de se sentir à l’aise aussi bien avec les producteurs, les banques, l’administration des pays, le shipping, etc… qu’avec les marchés financiers. On ne peut pas rester assis devant ses écrans à regarder les prix monter et descendre. Les traders sont, le plus souvent, amenés à vivre quelques années auprès des producteurs avec qui ils développent d’étroites relations. »

Malgré ses nombreux voyages, Wall Street a de quoi donner le vertige au jeune professionnel. Des cabinets d’avocats, de consulting, des firmes d’audit, des banques d’investissement et autres fiduciaires s’entassent dans les gigantesques buildings qui font vous sentir encore plus petit. Et ici, forcément, la compétition est féroce.

« On y vient de tous les États-Unis et de toute la planète. Vous rencontrez tous les profils : du jeune diplômé de Harvard sous-payé et assommé par le manque de sommeil que lui impose le rythme en banque d’investissement en passant par le brillant trader japonais jusqu’au père de famille au rythme routinier. Wall Street, c’est beaucoup de gens brillants qui viennent avec des rêves plein la tête. Au final, peu d’entre eux les réaliseront. Mais ce n’est pas toujours ceux auxquels on pense qui tirent leur épingle du jeu ! »

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Quelles différences avec le monde du business en Suisse ?

« Tout d’abord, le leadership. Notre président a un magnifique bureau avec une vue à couper le souffle, mais il n’y est jamais. Il s’assoit derrière un “trading desk“, comme tout le monde. Il a toujours une petite attention pour vous et tou-te-s ses employé-e-s l’apprécient.

Ensuite, la formation. A Wall Street, on ne fonctionne pas à l’expérience mais au mérite. Jeune ou plus âgé, cela n’a pas d’importance. Les plus motivés et performants grimpent plus vite les échelons.

De plus, contrairement à l’Europe, ici l’échec est gage de succès. Personne ne vous fera confiance ici si vous n’avez pas crashé au moins 3 start-up. On a le business dans le sang et la culture du client mais surtout, les gens ont l’esprit entrepreneurial et foisonnent d’idées. On ne se laisse pas décourager par des « c’est trop compliqué » ou encore des « roooh, mais roooh, je n’y arriverais pas ». C’est dans notre culture suisse de rechercher la sécurité à tout prix. Ici, il ne faut pas hésitez à foncer.

Enfin, l’immigration n’est pas perçue comme une menace mais comme une opportunité, et elle est gérée comme telle. »

Malgré tout, tu gardes le mal du pays ?

« Il ne se passe pas un jour sans que je pense à la Suisse. Mais j’ai toujours été attiré par les États-Unis alors pour moi, c’est comme si j’avais toujours attendu ce moment. Je me suis très vite habitué au rythme déjanté de NY. Les fitness sont bondés à 5h du mat’, les magasins ouverts toute la nuit… La ville ne dort jamais ! Vous voulez vous faire livrer un poisson rouge à 3h du matin ? Pas de problème ! Il suffit simplement de télécharger une application sur votre smartphone. Les gens sont extrêmement ouverts et curieux et la ville ne manque pas d’activités. »

Vous l’avez compris, Jonathan s’adapte plutôt bien à son nouvel environnement – comme il l’a d’ailleurs toujours fait.

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Des inspirations “wallstreetiennes“ pour faire bouger la Suisse ?

« Tout ce que je souhaite pour la Suisse, c’est qu’elle reste tournée vers l’avenir tout en maintenant son ouverture sur le monde. Il faut aussi que nous abordions le risque et l’échec de manière différente. Concernant ma propre expérience, je trouve qu’il est très difficile pour les diplômés romands d’entrer au siège des grandes banques suisses alors que c’est presque la norme Outre-Sarine. Peut-être qu’il y a un petit effort supplémentaire à faire des deux côtés. »

Encore une fois, les améliorations débutent en franchissant la barrière du rosti. Merci Jonathan. ;)

Vous aimeriez le contacter et pourquoi pas le rencontrer sur place pour aller boire un café à quelques pas du New York Stock Echange ? N’hésitez pas à lui envoyer un email.

Damien Gaillet

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