La célèbre Villa Favorita de Lugano, vendue pour 80 millions de francs suisses

• 6 décembre 2014

L’empreinte de la famille Thyssen-Bornemisza a marqué la ville de Lugano durant des décennies. Propriétaire de la Villa Favorita qui jusqu’en 1990 a abrité la seconde collection privée d’art plus importante après celle de la Reine Elisabeth, la veuve et héritière du baron Hans-Heinrich Thyssen-Bormemisza décédé en 2002 à l’âge de 81 ans, vient de vendre la prestigieuse demeure.

La mise en vente remonte à 2012 mais l’acte de cession a été signé ces derniers jours comme l’a confirmé à un quotidien tessinois le notaire qui s’est occupé de la négociation entre la baronne, Carmen Thyssen-Bornemisza, née Cervera et Miss Espagne 1961 et l’acquéreur, une société qui conduit au groupe italien Invernizzi connu mondialement pour la fabrication de fromages frais. La famille Invernizzi vit depuis des décennies à Lugano. La propriété a été cédée pour 80 millions de francs, soit 21 de moins que la somme demandée il y a deux ans par la cinquième Madame Thyssen. Depuis son veuvage la baronne mène grand train dans son pays natal où les portes de la famille royale lui sont ouvertes.

Ainsi pour 80 millions, cette superbe résidence construite en 1687 par le gentilhomme Konrad von Beroldingen qui provenait d’une famille alémanique de notaires au temps où Lugano était un baillage change pour la troisième fois de prorpiétaire.  Sise sur le golfe de Lugano, au pied du Monte Bré, la Villa Favorita est entourée de 35’000 m2 de parc et sa superficie habitable  est de 8500 m2. Sa merveilleuse végétation méditérranéenne faite de palmiers, lauriers-rose, oliviers et cyprès ajoute encore à sa valeur. Ceci étant, la demeure est pratiquement inhabitée depuis la mort du baron et mécène Hans-Heinrich Thyssen-Bornemisza, d’origine allemande par son père (les aciéries Thyssen appartenaient à la famille paternelle) et hongroise par sa mère. Elle a donc besoin d’une sérieuse remise à neuf et son maintien annuel est estimé à quelque deux milllions de francs. En 2012, deux expertises demandées par des potentiels acheteurs indiquaient une valeur de marché oscillant entre 35 et 70 millions de francs. Donc loin du compte établi au début par la baronne qui a finalement accepter de la céder pour 80 millions.

Une collection d’art inestimable

En 1732, les von Beroldingen vendaient la Villa Favorita à une famille de la noblesse luganaise, celle des Riva. Qui l’a gardée pendant 200 ans pour la céder, en 1932, au père du dernier baron lequel avait choisi de s’éloigner de son pays natal à une époque trouble. Né en 1875 et mort en 1947, le baron Heinrich von Thyssen (la particule a disparu quelques décennies plus tard) s’était lié d’amitié avec d’éminents critiques d’art comme Max Friendländer, Bernard Berenson et Friedrich Dörnhöffer sous la houlette desquels le nouveau propriétaire de la prestigieuse demeure commençait sa collection d’art: la peinture allemande d’abord puis les maîtres hollandais et flamands dont Rubens et Rembrandt puis les artistes italiens de la Renaissance et enfin les grands peintres espagnols  El Greco, Goya, Ribero, Murillo et d’autres encore. En 1937, la Villa Favorita était agrandie pour y recevoir les tableaux et objets d’art d’une collection privée qui au fil des décennies allait devenir la seconde plus importante au monde après celle de la Reine Elisabeth d’Angleterre. A la mort du baron père, son fils unique Hans-Heinrich héritait la villa et son contenu. Une année plus tard en 1948, Hans Heinrich Thyssen-Bornemisza ouvrit la galerie d’art au public. Il compléta la collection par l’acquisition d’oeuvres d’impressionistes français, allemands et américains. Au début des années ’90, peu avant d’être cédée à l’Espagne, la collection comptait environ 1600 tableaux allant du 13e au 20e siècles et de nombreux objets d’art.

Les années fabuleuses

Ainsi devenue une pinacothèque de renommée internationale, la Villa Favorita a accueilli jusqu’à 50’000 visiteurs par année provenant du monde entier. Jusqu’à la fin des années 80, durant la saison qui ouvrait à Pâques pour se conclure à la fin du mois d’octobre, les queues de visiteurs qui attendaient au portail d’entrée de la demeure étaient quasi quotidiennes. Hans-Heinrich Thyssen-Bornemisza qui avait renoncé à la particule de famille au moment de devenir citoyen suisse, n’était pas seulement un passionné d’art mais aussi de belles femmes. Ses quatre premières épouses lui ont donné cinq enfants dont Francesca, fille de la modèle écossaise Fiona Campbell.  En 1993 Francesca alors âgée de 35 ans épousait  l’archiduc Karl von Habsburg, petit-fils du dernier empereur d’Autriche dont elle vit séparée depuis 2003. Le mariage civil auquel la soussignée avait assisté en qualité de journaliste avait été célébré dans la villa familiale par le maire de Lugano Giorgio Giudici, en charge de 1984 à 2013. Mais  les années fabuleuses de la Villa Favorita ont surtout subi l’empreinte de la cinquième épouse du baron, la belle Espagnole Carmen Cervera, Tita pour les intimes. Née à Barcelone  en 1943 dans une famille bourgeoise, en 1961 son titre de Miss Espagne lui assurait la notoriété et l’entrée dans le jet-set.  En 1965, Tita épousait l’acteur américain Lev Barker, connu pour son rôle de Tarzan et qui décédait en 1973 durant la procédure de divorce du couple. En 1985, quelques années après son second mariage avec le play boy vénézuélien Espartaco Santoni, l’ex Miss Espagne devenait la cinquième baronesse Thyssen-Bornemisza Elle apportait en dot à son troisième époux de 21 ans son aîné, Borja un fils né en 1980, légalement adopté par le mécène allemand. Dès lors le couple glamour partagea son temps entre les rives du lac de Lugano, Montecarlo et l’Espagne. Jusqu’à la fin des années 80, les fêtes, les réceptions et les inaugurations données à la Villa Favorita faisaient les choux gras des chroniques mondaines de la presse locale. Le début du déclin de la prestigieuse pinacothèque remonte à 1989-1990. La ville de Lugano, le canton du Tessin et la Confédération n’ayant pas réagi à temps à la demande des barons Thyssen de subventionner la construction d’une nouvelle aile, la baronesse Carmen Cervera se tournait vers les autorités de son pays pour leur proposer le transfert de la majeure partie de la collection Thyssen à Madrid. L’affaire fut rondement menée et en 1991 près de 800 tableaux prirent le chemin de Villahermosa, un ancien palais sis en face du Prado et transformé en musée pour accueillir la collection, prêtée à l’Espagne pour une durée de dix ans. Depuis 2001, lorsque l’accord de prêt est arrivé à échéance, la collection appartient au gouvernement espagnol et Villahermosa qui la contient a été rebaptisée Museo Reina Sofia. A en croire la presse espagnole de l’époque, en convaincant son époux à « offrir » les tableaux les plus importants de sa collection à l’Espagne, Tita Cervera s’était assurée son entrée dans la famille royale. Durant les années qui suivirent, la Villa Favorita tenta encore d’organiser quelques expositions secondaires sous la houlette de Francesca, la fille du baron. Sans grand succès. Petit à petit, la prestigieuse demeure vidée de sa pinacothèque et fermée pendant une partie de l’année perdait de son lustre. Après la mort du baron, en 2002, la veuve ne fit que de rares apparitions à Lugano. Un des derniers évènements mondains qui eurent lieu à Villa Favorita, fut le baptême des jumelles américaines adoptées par la baronesse en 2007. Aujourd’hui, une page s’est définitivement tournée et la résidence qui fut, des siècles durant, la demeure des Von Beroldingen des Riva et des Thyssen, devenue une « Belle au …lac dormant » attend désormais d’ouvrir grandes ses portes au roi des petits fromages. Les nouveaux propriétaires ont dejà annoncé leur intention de mettre à disposition de la municipalité de Lugano une partie du parc et quelques annexes.

Gemma d’Urso, Lugano

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